Et je poste directement le chapitre 2 puisque qu'il est déjà sur mon blog ^w^
Chapitre Deux: Un revirement essentiel L’U.E.E.V. réfute toute responsabilité lors de prises d’otages ou transformations de son personnel. Les agents de terrains encourent par nature des risques en combattant pour le compte de l’Unité d’Elite d’Extermination. En cas de prise d’otage, il devra de lui même trouver moyen de s’évader. En cas de morsure suivi d’une transformation, l’agent de terrain infecté se verra retiré automatiquement et systématiquement de ses fonctions, de façon définitive. En outre, s’il ne met pas fin à ses jours, il sera traqué pour crime contre l’humanité. -M620-
Le réveil fût assez compliqué. Fraîcheur inhabituelle de la pièce, sans parler des courbatures dues à la mission de la veille, c’était bien assez difficile comme ça. Les cervicales en avaient prises un méchant coup, sa clavicule aussi le brûlait, souvenir de terribles cauchemars. Mais il fallait rajouter aussi la sensation désagréable d’être allongé sur le plancher.
«Et merde.»
Colin se releva et s’étira longuement, ignorant délibérément que l’aubergiste était entré dans sa chambre sans y être invité pour ranger en grommelant les affaires qui traînaient sur son sol poussiéreux. La nuit avait était courte et peuplée de cauchemars pour l’agent qui se sentait mal maintenant, comme si la course poursuite de la veille n’était toujours pas terminée. Il ne l’avouerait peut-être jamais, fierté d’écossais oblige, mais il avait eu la peur de sa vie. Et la mort du vampire Calyandre n’arrivait pas à lui remonter le moral.
Stanley en revanche semblait remonté à bloc. Déjà au rez-de-chaussée, il avait oublié de faire tourner les tours de garde et était resté là à faire nuit blanche. Mais peu importait ses cernes sous ses yeux de blasé, il débordait d’une énergie inhumaine. Cela ne pouvait dire qu’une seule chose: il avait cogité toute la nuit.
«Lu Stanley...» grimaça Colin en allant se verser un café en traînant des pieds.
«Vous tombez bien, vous!» s’exclama le brun en se précipitant vers lui, provoquant un mouvement de recul contrarié. «Vous vous souvenez du tatouage?»
«...»
Colin braqua un regard noir sur son assistant. Il le secouait dès le matin pour lui poser des questions de ce genre, maintenant? Il était vraiment de pire en pire ce mec.
«J’vais le regretter mais: quel tatouage?» marmonna-t-il avant de tremper ses lèvres dans son café.
«Celui de Karielle! Le tatouage qu’elle avait sur le visage, bon sang! Vous vous souvenez?!»
«Bordel, mais t’as bu combien de cafés toi?» grogna le rouquin en le contournant pour aller s’asseoir.
«Assez pour tenir la nuit. Répondez moi! Vous vous souv...»
«Non! Accouches!»
Un instant le visage de Stan’ se teinta du profond mépris qu’il ressentait pour ses supérieurs. Mais il continua.
«C’est un signe de confrérie.» révéla-t-il.
Encore une fois Colin resta coi et préféra boire son breuvage en paix plutôt que d’avoir à répondre à ça.
«Mais merde, vous voulez pas savoir?!» s’énerva Stanley. «C’est une confrérie! Une putain de confrérie! Ca veut dire qu’on peut remonter dans leur histoire, comprendre leurs rites, savoir ce qu’ils vont faire bientôt, prévoir les meurtres, bref prendre de l’avance sur eux!»
«Waow, t’emballes pas, ok?» le calma l’inspecteur en levant les mains à hauteur de visage. «Est-ce que tu sais seulement combien il existe de confréries de vampires à travers le monde? Plus de deux-cent!»
«Mais il n’y en a que trois originaires de la région, et une seule qui utilise ce tatouages comme signe de reconnaissance! On les tiens j’vous dis!»
Colin leva les yeux au ciel. Ce type était trop optimiste tout à coup. Ca ne lui ressemblait pas vraiment.
-M620-
La nuit n’en finissait pas. Le temps s’allongeait à l’infini semblait il, dans cette chambre froide et obscure. Dire qu’il avait eu la flemme de refermer sa fenêtre. Il aurait du, ça l’aurait protégé du vent glacé, et peut-être aussi des mauvais rêves où les vampires de la veille venaient le chercher pour le dévorer. James avait horreur de ces cauchemars là, c’étaient les pires au monde.
Le blond se redressa, s’appuyant sur la rambarde de son lit pour prendre une position assise plus ou moins confortable. Un lit à une place n’était vraiment pas fait pour lui, il se sentait bien trop à l’étroit dedans. En plus sa couverture avait disparu, sûrement partie à l’autre bout de la pièce dans un coup de pied malencontreux. Tout comme Colin l’avait vécu, James se sentait courbaturé et sa clavicule gauche le picotait désagréablement. Peut-être qu’un bon café, deux grosses tartines de marmelade d’orange et quelques piques de la part de Colin le remettraient d’aplomb plus rapidement.
Fort de sa résolution, le blondinet descendit de son lit, drôlement bas, et chercha à tâtons la lumière, prêt à l’avance à supporter un aveuglement superficiel pendant quelques minutes. C’était à priori une mauvaise idée pour quelqu’un qui avait la tête dans le cul comme lui, mais il fallait bien passer par cette torture pour avoir le droit à son café et tout le reste...
C’est là qu’il se rendit compte que le mur était trop éloigné, comme si la pièce avait grandit pendant la nuit. Etait-ce un effet de la fatigue? Non, car maintenant qu’il y pensait, c’est vrai que son lit était drôlement, mais alors vachement bas par rapport à d’habitude. Et il n’avait pas encore retrouvé la couverture. Et en plus... il n’y avait jamais eu de rambarde à ce lit.
«... oh putain de...»
«Hey! Ta gueule le nouveau, y’en a qui dorment!» rugit une voix qui le fit aussitôt sursauter.
Toujours dans le noir, James se tenait la poitrine d’une main, alors même que le pull qu’il portait ne risquait pas de lui laisser sentir son coeur battant. Il ne savait pas du tout où il était, et ne reconnaissait pas la voix.
«Qui a parlé?» osa-t-il demander, tentant vainement de retrouver un semblant de sang froid.
«Maiiiis!» geignit une autre voix, féminine, enfantine même. «Pourquoi il ne dort paaaas?»
«Recouchez vous, ne faites pas attention à lui...» soupira une voix de femme plus mûre.
Ce fût la seule que James reconnut.
«... Karielle.»
De nouvelles protestations s’ajoutèrent aux premières, toujours plus virulentes. Mais ça, l’inspecteur s’en foutait. Il venait de se faire enlever par Karielle et sa bande.
-M620-
Colin retournait tout dans la chambre avec une panique grandissante, alors que Stanley l’observait, de plus en plus blasé.
«Vous foutez quoi exactement dans la chambre du boss?»
Le rouquin le fusilla du regard.
«Il est partit sans prévenir, son lit est froid, sa fenêtre ouverte, tu l’as pas vu passer, tu me demandes vraiment ce que je fais?! Je cherche des indices! James a disparu!»
Stan haussa un sourcil sceptique.
«Il est sûrement parti retrouver sa copine, il va revenir...»
Mais le roux avait un très mauvais pressentiment. Il l’avait sentit en se réveillant, ça n’avait rien de naturel tout ça. Son meilleur ami s’était fait enlever, il n’y avait aucun doute là dessus. Il lui fallait juste des preuves, rien qu’une toute petite preuve cela ferait l’affaire.
«C’est quoi ça?» demanda l’assistant en montrant un coussin.
«Son oreiller.» grogna Colin.
«Plutôt son oreiller sans sa taie.» remarqua quand même le brun.
«Ouais, l’aubergiste a emmené le linge sale à la buande...rie...»
«Quoi?»
«... il faut qu’on l’en empêche!» s’écria Colin en sortant en courant de la pièce, dévalant les escaliers pour se diriger vers le sous-sol.
Stanley décida de le suivre, après tout maintenant qu’ils étaient lancés dans la paranoïa concernant la disparition de James, autant s’y lancer jusqu’au bout!
-M620-
Suzanne n’était pas la demoiselle bien sage que tout le monde s’était supposé. Dès son enfance, elle avait su jouer de ses charmes et de son éducation pour faire tourner les têtes et obtenir toutes les informations qu’elle voulait. Et ce dont elle raffolait, c’étaient les histoires de monstres.
Son père, son oncle, en fait tous les hommes et quelques femmes de son entourage se plaisaient beaucoup à répondre à l’appel des yeux de biches de la jeune fille et raconter les mythes de créatures sanglantes et effroyables, aux masques de démons, aux allures de surhommes, d’elfes ou d’hybrides ailés et lumineux. Elle buvait ces contes comme d’autres buvaient le vin, et se noyait dans le rouge des meurtres fictifs avec une fascination morbide. Elle se croyait née pour devenir l’héroïne d’un roman fantastique et horrifique.
A quinze ans, elle n’était pas dépourvue d’atouts. Grande pour son âge et déjà bien formée, elle portait de longues et lourdes anglaises brunes, des pommettes soulignées de ravissantes fossettes, et des yeux marrons aux longs cils. Née dans la richesse, l’opulence et sous un titre de noblesse pompeux, la demoiselle déjà Vicomtesse commença à fréquenter, sous les encouragements parentaux, des salons de lecture. Ils espéraient sans doute qu’elle y rencontrerait un mari qui vaille le beau parti qu’elle représentait. Elle y rencontra plutôt des amis, que l’on qualifierait plus tard de «mauvaises fréquentations».
De l’avenir de cette fréquentation naquit une nouvelle jeune femme: Sue. En rien pareille à la première, on aurait dit un jeune homme aux traits fins, au teint pâle et à la peau glacée. Plus aucune chaleur ne découlait de ces grands yeux. Suzanne était morte. A trop rêver les monstres, elle en était devenue un. Et, en toute franchise... elle adorait ça.
Quelques deux cent années plus tard, elle fût réveillée par les marmonnements paniqués d’un nouveau camarade de jeu. Ce James Candle n’était pas très discret, et après la nuit qu’il leur avait fait vivre, il aurait au moins pu avoir la délicatesse de les laisser dormir! Mais non, ce blondinet croyait qu’ils étaient encore tous de petits animaux diurnes au sang chaud! Quelle misère...
«Mais doooors à la fin!» geignit Sue, exténuée. «Tu t’occuperas de ton mal être ce soir, pour le moment il fait jour alors dors!»
«Mais ouais, ta gueule!» grogna un des jumeaux, à droite de la jeune fille. «On t’a pas amené ici pour que tu nous pourrisse la journée!»
Il fallut encore de nombreuses minutes avant que le silence ne revienne, et qu’on entende juste le bruit du gars qui s’effondre à terre. Il venait sûrement enfin de comprendre qu’il venait de se faire enlever.
Comme un bleu, c’est ce qu’il pensait. Il s’était fait avoir comme un bleu. Il n’avait pas surveillé ses arrières, ne s’était pas inquiété que sa fenêtre soit ouverte, il s’était fait tout bonnement avoir par sa propre connerie. Pourtant il aurait du comprendre que Karielle ne lâcherait jamais le morceau, c’était une chasseuse de premier ordre qui ne renonçait jamais une fois qu’elle avait repéré sa proie. A quoi ça servait d’avoir une documentation de plus de six-cent ans sur les vampires si c’était pour se faire avoir comme ça?!
Sa proie... James leva la main à son cou, très lentement. Ses cauchemars l’avaient rattrapés, il se sentait pris à la gorge et craignait que très vite ça ne soit plus une métaphore. Tout ce qu’il pu sentir ce fut le col de son pull. Il jura, ce qui déclencha un nouveau gémissement excédé de la part de la gamine entendue plus tôt. Cette fois ci il l’entendit se lever, à moins que ce ne soit un de ses amis, ça lui fit quand même avoir un mouvement de recul qui l’amena contre le mur qu’il cherchait plus tôt. Oui, il était mort de trouille. On aurait pu croire que pour un agent de l’U.E.E.V. c’était impossible mais il avait vraiment très peur, surtout d’une chose: que le froid de la pièce ne soit pas due à un manque de chauffage.
«Bon, viens avec moi toi!» grogna la voix gamine, alors qu’une petite main ferme agrippait son bras pour le tirer vers une porte.
James eut envie de se débattre, mais se découvrit complètement sans forces. Impossible de lui échapper, donc. La demoiselle le fit entrer dans un salon, éclairé par une cheminée et deux ou trois lampes de chevet posées sur des buffets. La pièce était chichement décorée, mais parfaitement bien meublée pour une collocation. Un coin confortable pour chacun, les fauteuils tous tournés vers le feu pour pouvoir parler librement devant la principale source de chaleur. Pas de fenêtres... c’était peut-être le seul indice sur la nature des propriétaires des lieux.
Le blond se fit jeter sur l’un des fauteuils, à priori le plus confortable, ou au moins le plus moelleux. La jeune personne qui l’avait ainsi balancé s’assit en face de lui. De courts cheveux bruns et bouclés et de grands yeux marrons... un adolescent d’allure stricte, sûrement de bonne famille.
«Tu... tu es...» bredouilla James, encore choqué par son enlèvement. «Tu es le... gamin d’hier soir?»
Sue, dont les beaux yeux étaient lourds de fatigue ce jour là, fit claquer sa langue sur son palet.
«Je suis LA gamine d’hier soir.» répondit-elle après un court silence agacé. «Le renflement de mon costume n’est, je vous assure, pas du tout provoqué par des pectoraux sur-développés.»
James risqua un regard timide vers la poitrine en effet opulente que devait compresser le veston noir de la brune.
«Pardon...» s’excusa-t-il.
Encore une fois, il aurait voulu dire qu’il s’en fichait, qu’elle était de toute façon une sale créature démoniaque et qu’il ferait tout pour la réduire en cendres. Malheureusement, il fallait qu’elle réponde à ses questions et à ses doutes avant de crever.
«Tu nous empêchais de dormir. Je sais me passer de sommeil, mais ne recommence jamais ça d’accord?» réclama-t-elle fermement.
James hocha vigoureusement la tête, sentant toujours sa nuque raide et sa clavicule toute chaude.
«Est-ce que...» commença-t-il, puis il se ravisa.
C’était bien trop horrible d’avoir à poser la question. Il ne pouvait pas s’y résoudre. Qu’est-ce qu’il pouvait demander d’autre, aussi? C’était quand même le point le plus important!
«Pourquoi je... suis ici?»
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«Il devrait y avoir un indice!!!» hurla presque Colin dans l’oreille de son assistant.
Inutile pour Stanley de lui faire remarquer à nouveau qu’il n’était pas sourd. Il avait bien comprit, mais ils n’avaient rien trouvés de suspect sur les draps. L’idée d’y trouver peut-être un peu de sang leur avait traversé l’esprit, bien sûr, mais il était rassurant de n’avoir rien trouvé du tout. Au moins, James n’était sûrement pas mort dans son lit.
«On connaît Karielle pour sa minutie, elle ne laisse pas de traces de ses passages.» informa l’assistant pour raffermir son pessimisme naturel.
«Ferme ta grande gueule pour une fois, Stan’, et aides-moi à réfléchir!» ordonna Colin, toujours paniqué.
Le rouquin n’ignorait pas que le règlement de l’U.E.E.V. interdisait toute intervention en cas de rapt d’un de leurs agents. Mais tant qu’il n’y avait pas de preuves qu’il y avait eu enlèvement ou infection, ou encore meurtre, Colin pouvait tout mettre en oeuvre pour retrouver son collègue et meilleur ami. Y compris fouiller pour la toute première fois dans sa vie privée.
«Ok... Stanley?» demanda-t-il.
«Quoi?» répondit le brun.
«Retrouves moi la fameuse petite amie de l’inspecteur Candle. On va faire sa connaissance.»
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En long, en large et en travers, Sue lui avait expliqué comment elle en était venue à devenir vampire, de la notion de choix qui en découlait, des premières épreuves de la faim à l’ivresse de la chasse. Pourquoi cette réponse alambiquée et trop longue à la question simple et concise: «pourquoi suis-je ici» ? Aucune idée, mais James ne se sentait pas le courage de lui couper la parole. La demoiselle se réveillant, elle devenait d’un coup moins froide et beaucoup plus enfantine, dévoilant une personnalité fantasque.
«Donc tu vois, tu n’as pas du tout à t’inquiéter, c’est une communauté très ouverte!» conclut-elle dans un large sourire qui découvrait ses canines.
James soupira et regarda le feu. Est-ce qu’elle avait vraiment essayé durant une heure de lui faire changer d’avis sur les vampires, de lui faire croire que c’étaient des gens sympathiques et avenants qui souffraient juste d’une sensibilité mortelle au soleil et d’un désordre alimentaire qui les poussaient malheureusement au crime? Complètement cinglée. Qu’est-ce qu’elle espérait? Qu’il allait y croire? Et après ça, elle allait enfin lui dire qu’il était mort ou pas? C’était le pire enlèvement de l’histoire de l’humanité.
Excédé, il se décida à enlever son pull pour avoir la possibilité au moins d’effectuer un petit examen de la situation. Il tâta immédiatement sa gorge. Sue le regarda avec le sourcil droit levé si haut qu’il disparaissait derrière une grosse boucle de cheveux sombres.
«Tu fais quoi exactement?»
James ne lui prêta pas attention. Il ne sentait rien, juste la chaleur à la base de son cou. Pas de boursouflures qui indiquaient le passage de canines voraces.
«Tu sais, il y a des moyens plus simples de savoir si tu es mort...» insista-t-elle, sceptique quand à son petit manège.
«Ah oui? Attendre que tu me donnes une réponse? Merci, ma méthode est plus rapide!» grogna le blond.
«... non. Mais vérifier ton pouls, par exemple... enfin je dis ça, fais donc que tu veux!»
L’inspecteur soupira. Il y avait pensé, mais c’était une solution en effet rapide, claire et sans aucun doute possible. Or, il n’avait toujours pas le courage d’affronter cette situation. Il reposa sa main sur l’accoudoir de son fauteuil et regarda le feu. Peut-être que finalement il ne voulait pas savoir.
«Tu t’appelles comment?» demanda finalement Sue en se frottant les yeux de fatigue.
James n’avait pas envie de lui répondre, maintenant que la panique était passée. Il fallait qu’il réfléchisse à un moyen de partir d’ici, de retrouver ses collègues, et plus tard Viviane. Tout à coup il se leva de son siège et commença à tâter ses poches, déclenchant à nouveau l’expression sceptique de la jeune vampire.
«Tu n’as peut-être pas de nom, mais j’en ai un tout trouvé pour toi: Imbécile.» déclara-t-elle en croisant les bras.
«Trop aimable...» grogna-t-il en continuant.
«Tu as raison: Pauvre Con, c’est plus juste.»
Il arrêta de fouiller désespérément ses poches, préférant tenter de liquéfier l’éternelle adolescente avec un des regards les plus froids de son répertoire.
«Mon nom est James.» finit-il par répondre, maintenant certain que ces crétins de buveurs de sang avaient quand même pensés à le déposséder de son téléphone portable.
«James? C’est... laid.» dit-elle avec une grimace de mépris. «Tu n’as pas une tête à t’appeler James.»
«Non, j’ai une tête à m’appeler Pauvre Con, je sais.»
Les présentations étaient faites, du moins dans un sens. Pas qu’il ai envie de sympathiser avec cette vampire, mais il n’avait pas grand chose d’autre à faire. Il ne savait toujours pas pourquoi il était ici, ni s’il y avait la moindre chance qu’il revoit un jour sa fiancée, ses amis, ou même le monde extérieur.
«Sue.»
«Hm?»
James releva les yeux sur elle. La brunette s’était levé et exécutait avec un sourire faux et méprisant une révérence ridicule et très masculine.
«Ah je vois... et bien, tu n’as pas une tête à t’appeler Sue non plus.» marmonna-t-il en regardant autour de lui à la recherche de portes de sorties.
«Et j’ai une tête à quoi?» demanda-t-elle, curieuse.
«Tu veux vraiment que je te réponde?»
«Oui...»
A part la porte qui menait au «dortoir», aucune issue n’était visible aux alentours.
«Doug.»
La grimace de Sue fût éloquente et arracha malgré lui un sourire moqueur à l’enquêteur.
«T’as bien une tête à t’appeler Douglas, ou Howard, ou quelque chose dans ce goût là. Tu as quel âge?»
Cette question était sortie toute seule, à vrai dire elle lui trottait dans la tête depuis la veille. La réponse ne devait pas être aussi évidente que ce qu’il supposait car Sue se mit à réfléchir sérieusement à la question.
«Hem... mon âge réel ou mon âge... figé?» demanda-t-elle avec hésitation.
«Ton âge d’avant transformation.» précisa-t-il en haussant les épaules.
«Je ne me souviens plus trop.» dit-elle en se massant la tempe gauche du bout de l’index. «Je sais que j’allais vers mon anniversaire, mais si c’était le quinzième ou le seizième...»
«C’est abject.» grogna James en retournant près du feu pour en capter le maximum de chaleur.
Sue ricana et se rapprocha de lui, contemplant le col noir de la chemise de James.
«Abject...» répéta-t-elle avec un sourire froid.
-M620-
Avec le temps, Stanley avait finit par comprendre le plan de son supérieur. Et ça ne le réjouissait pas tant que ça. Peut-être qu’il n’avait pas un grand respect pour l’inspecteur Candle, peut-être aussi qu’il était mal-aimable et buté, mais il savait tout de même que fouiller la vie privée des gens était injuste et criminel. D’accord, ça pouvait sauver la vie de son boss. Encore qu’il en doutait, à l’heure qu’il est il le voyait bien mort, dévoré. Il ne s’imaginait pas vraiment retrouver le blond en pleine forme après un court et agréable séjour chez ses amis à grandes dents.
Colin quant à lui ne se montrait pas du même avis. Il avait sûrement bien trop peur pour son ami pour réfléchir correctement. Donc il s’était mit dans la tête de retrouver James, de l’arracher des griffes de ses ravisseurs, le tout bien à l’abris des regards de la direction de l’U.E.E.V. qui réprouverait sans doute la manoeuvre. Les missions suicides faisaient tâches sur leurs beaux dossiers immatriculés.
«Tu l’as?» demanda le roux en passant nerveusement la main dans ses cheveux.
Stan’ leva un court instant les yeux du téléphone portable qu’il avait retrouvé dans la chambre de James, et poussa un soupire clairement agacé.
«Non.» répondit-il sèchement en retournant à sa besogne. «Il a effacé l’historique de ses appels, et le nombre de noms de femmes qu’il possède dans son répertoire me fait me sentir minable, insignifiant, et vous devriez vous sentir pareil...»
«Il connaît tant de femmes que ça?» grimaça Colin en regardant par dessus son épaule.
«Plus que d’hommes... on cherche un homme ou une femme, d’ailleurs?»
«Une femme voyons!» gronda l’inspecteur, sûr de lui.
«D’après lui, il y a quelques jours ce n’était pas évident!» rappela le brun. «Mais le connaissant, je doute qu’il soit du genre à manipuler un service trois pièces.»
C’est sur cette dernière note de poésie qu’il se décida à employer une méthode plus radicale et bien dans son goût: appeler chaque femme citée dans le répertoire une par une.
-M620-
James se crispa en sentant les doigts glacés de Sue se glisser sous son col. Il se sentait égal à un chiot qu’elle traînerait en laisse, devait-il se sentir flatté de la caresse?
«Qu’est-ce que tu fais?» demanda-t-il aussi sèchement que possible.
Sa voix tremblait de façon incontrôlable, tout son corps en fait.
«Tu voulais savoir si tu étais en vie?» demanda-t-elle à son tour.
Il n’eut pas la force de répondre oui, et se contenta de hocher la tête. Elle remonta son index derrière l’oreille de James et y gratta une petite plaie dont il n’avait pas perçu la légère douleur jusqu’à présent.
«Bang... bang...» murmura-t-elle. «Mort, mort, mort.»
James ferma les yeux, serra les dents, pria intérieurement pour qu’elle mente. Il sentait son coeur battre contre sa cage thoracique, battre pour tous ceux qu’il laissait derrière lui, pour toute sa vie passée, pour ses amours et ses vieilles rancunes, et ne cru pas un mot de ce que Sue lui avait murmuré.
«Je vis.» assura-t-il en rouvrant les yeux.
«Autant que moi.» répliqua la demoiselle en ébouriffant moqueusement les cheveux de James. «Mais ce n’est pas parce que tu le sens, ton petit coeur d’humain, qu’il bat. C’est comme un membre qu’on ampute: tu veux tellement qu’il soit toujours là que tu ne réalises même pas qu’il a disparu, et tu le sens encore, lui et toute la douleur qu’il t’apporte.»
«Je vis!» insista-t-il avec une énergie désespérée.
«Pas la même vie que celle que tu as connu.»
«Je vis!» hurla-t-il en se retournant pour faire face à son bourreau.
Sue avait plissé ses grands yeux, de défi et de malice, et son sourire était de loin le plus cruel que dut affronter James au cours de son existence.
«Tu vis grâce à moi, et par moi à présent.» dit-elle en desserrant la cravate qu’elle portait au cou. «Tout comme Calyandre avait fait de moi sa créature, le meurtrier de Calyandre devient ma créature. Tu es son remplaçant, c’est la faveur que j’ai demandé à Karielle. Elle m’a laissé te mordre où je le voulais, elle m’a laissé te faire boire mon sang, elle m’a laissé te transformer. Tu es ma chose, mon monstre rien qu’à moi. Mais aux yeux des humains, James, tu es mort.»
Elle rabaissa le col de sa propre chemise. Etalé sur sa gorge, masquant les deux points marquant sa renaissance, un tatouage figurant une toile d’araignée s’étendait de l’épaule à l’oreille. James apposa une main tremblante à l’arrière de sa propre oreille pour sentir sous la pulpe de ses doigts ce qu’il avait espéré ne pas trouver sur sa gorge. Lui aussi avait donc eu le droit à sa renaissance. Ou plutôt, il l’avait subit.
«Maintenant fais toi les crocs. Tu dois avoir faim...»
Faim sans doute pas. Pour l’heure, James avait surtout envie de vomir.